« Aujourd’hui, ma gorge est serrée. Nouée. En 29 ans de pratiques pénales, j’en ai vu des choses horribles mais ce dossier m’a bouleversé. Ces images, vous les garderez en tête jusqu’à la fin de votre vie. » L’avocat général ne masque pas son émotion quand il entame ses réquisitions, ce vendredi matin. Une émotion parfois teintée de colère même quand il revient sur cet « oublié », son « calvaire », ses « souffrances ».
Gabin aurait-il pu être sauvé si...?
Cet enfant de 22 mois, oublié, privé de soins et de nourriture jusqu’à la mort. « Le jour de son décès, son père est allé le voir dans sa chambre à 14 heures, poursuit Bruno Sauvage, l’avocat général. Il a vu qu’il n’était pas bien. L’enfant agonisait, peut-être était-il déjà mort ? Mais il n’a appelé la mère qu’à 16 h 15. Qu’a-t-il fait pendant ces deux heures ? Et s’il avait appelé les pompiers tout de suite, auraient-ils pu le sauver ? Comment est-il mort ? Dans une souffrance extrême. Peut-être que jusqu’à la fin, cet enfant de 22 mois a espéré quelque chose : que ses parents lui donnent à manger et à boire. »
« Quelle peine ? Quelle peine juste ?» pour cet « oublié », son « calvaire », ses « souffrances » ? questionne alors l’avocat général avant de requérir une peine identique pour chacun des parents : 17 ans de réclusion criminelle, « qu’ils aillent enfin en détention ».
Les parents avaient-ils conscience de qu'ils faisaient ?
« Bien évidemment, nous avons tous été choqués, bouleversés, enchaîne l’avocate de la défense, Maître Émilie Bonnin. Nous avons tous été remués, pris aux tripes. Mais ces parents ont-ils privé de soins le petit Gabin de sa naissance à son décès ? » Une première question parmi tant d’autres posée alors aux jurés.
Avant de dérouler le fil d’une vie bien cabossée dès le départ pour un père et une mère, également parents d’un autre petit garçon, aujourd’hui âgé de 13 ans et placé en famille d’accueil depuis la mort de Gabin. De mettre l’accent aussi sur cette « dégringolade début 2013 ». Cette « incompétence soulignée par la juge d’instruction est-elle pénalement répréhensible ? Ils avaient besoin qu’on les aide, qu’on les accompagne ».
Et d’évoquer alors le rôle de la famille paternelle comme maternelle mais aussi celui du médecin. Une inconscience collective ? Une responsabilité commune ? La défense plaide alors pour un suivi socio-judiciaire plutôt qu’une peine de prison pour deux parents que les experts établissent comme « pas dangereux, curables et réadaptables ».
Quelle peine pour la mort d’un enfant de 22 mois ? 17 ans, ont également estimé la cour et le jury ce vendredi, après en avoir délibéré pendant près de cinq heures. Édouard R. et Céline V. ont été reconnus coupables de privation de soins et d’alimentation. Ils ont été conduits directement en prison à l’issue de l’audience. Plus de six ans après la mort de Gabin.
La Montagne