• Affaire Bayrou : Le retour de la vieille politique

    Affaire Bayrou : Le retour de la vieille politique

    Le ministre de la Justice, François Bayrou, a appelé la cellule d'investigation de Radio France qui enquête sur les soupçons d'emplois fictifs de certains membres du MoDem. Jacky Isabello dénonce l'attitude du ministre et analyse sa stratégie de communication.

    François Bayrou sort de son rôle lorsqu'il appelle une rédaction afin de l'inciter à cesser ses investigations. Comme le rappelle Le Figaro : «quelle ne fut pas la surprise du directeur de la cellule d'investigation de Radio France, mercredi 7 juin lorsqu'il a reçu l'appel du ministre de la Justice, François Bayrou . Le fondateur du MoDem était furieux d'une enquête journalistique en cours visant des membres de son parti, à la suite des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen, qui ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire.». Et par ce simple débordement, qui pourrait s'apparenter à un excès de pouvoir, il commet une très grave erreur de communication, mais aussi des fautes politiques. En effet, le remède qu'il pense utiliser pour éteindre l'inflammation a des effets secondaires, celui d'amplifier le mal. Pire encore, son attitude provoque ce que les spécialistes de l'urgence et des catastrophes appellent le suraccident. D'une part ce qu'il a fait est contraire à ce qu'un ministre peut s'autoriser.

    D'autre part c'est inepte ; comment croire qu'un journaliste, de surcroît dans la cellule investigation d'une grande radio nationale, pourrait cesser tout travail de recherche. Enfin il agit comme un garde… un peu sot, puisque son action attire la lumière sur son cas. L'esprit de corporatisme qui anime, à juste titre, les journalistes n'a d'égal que l'indépendance consubstantielle à la détention d'une carte de presse. Je parlais de suraccident puisqu'il met de surcroît son poste en danger. Lorsque le chef du gouvernement Édouard Philippe rappelle en personne le ministre de la Justice aux impératifs de sa fonction, et ajoute sur l'antenne de France Info : «Le truc est assez simple, quand on est ministre on ne peut réagir comme quand on est un simple citoyen. Je comprends parfaitement que l'homme Bayrou ait été agacé, peut-être par la manière dont les questions ont été posées, avec beaucoup de pression, et à des gens qui ne s'y attendaient pas. Je peux parfaitement comprendre ça, et je pense que l'ensemble des Français peuvent comprendre ça… Mais il se trouve que lorsqu'on est ministre, on n'est plus simplement un homme animé par ses passions, ses humeurs ou son indignation.» Les oreilles doivent vous siffler et la raison vous ramener à vous ressaisir. L'avertissement du Premier ministre est limpide. S'il devait réitérer, Bayrou serait révoqué ad nutum ; cette expression latine caractérise le fait que celui qui a confié un mandat à une autre personne, est en droit retirer les pouvoirs qu'il lui a confiés sans avoir à justifier des motifs de ce retrait, ni observer un préavis.

    Une faute de communication doublée d'une faute politique

    S'il est clair que le Garde des Sceaux, sans jeu de mots cette fois, a perdu son sang-froid, il faut comprendre qu'il se blesse politiquement car il donne des cartes à ses opposants. Certes ils seront peu dans l'hémicycle mais sans doute deux fois plus féroces. Ces derniers ont désormais prise sur lui. Ils ont compris que M. Bayrou se sent menacé. De cet avantage tactique ils pourront tirer bénéfice et pousser leurs pions lorsqu'il s'agira de travailler le texte sur la moralisation de la vie politique et publique une fois aboutie sa rédaction et les détails de la réforme déposés à l'assemblée nationale. Quelle serait l'autorité du garant de l'indépendance de la justice s'il était souillé par des soupçons sur son ancienne vie de chef de parti sans le sou.

    Imaginez s'il s'agissait de Trump

    François Bayrou a tenté de se défendre en exposant la vision qui est la sienne de ce que peut faire ou pas la presse. Qui l'a fait roi oserais-je demander? Il précise: «Je suis un défenseur de la liberté de la presse, je l'ai été toute ma vie (…) Mais il y a aussi une autre liberté, dont les citoyens ressentent le besoin, celui de critique de la presse quand on a le sentiment de pratiques injustes». Il précise sous forme de menace: «j'étudie avec mes avocats la possibilité d'ouvrir une procédure pénale pour harcèlement». Il pourrait s'agit d'une erreur de la part d'un Garde des Sceaux de commettre une telle légèreté juridique. Quelle pourrait être la faute commise par des journalistes de poser des questions. Doublement légitimées par l'ouverture d'une enquête préliminaire par l'autorité judiciaire. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qualifie très précisément les manières de mesurer les atteintes subies suite à la publication d'un article. Elle ne sanctionne nullement l'action de poser des questions. S'il s'agissait de Donald Trump que ne lirions-nous pas sur une telle tentative de museler la démocratie et par là même sa corde vocale la plus puissante, celle de la presse. Enfin permettez un peu d'insolence et de m'interroger quant à la légitimité de M. Bayrou sur la manière dont un journaliste peut ou doit faire son travail. Aurait-elle été acceptable s'il était détenteur du maroquin de ministre de la communication, je n'en suis pas certain.

    La lune de Miel pourrait s'achever rapidement

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    Loin de nous l'idée de conseiller le Garde des sceaux ni de faire de la politique-fiction. Toutefois, il apparaît nécessaire pour le Président Macron, une fois la séquence des législatives refermées, de s'interroger sur le besoin de remettre de l'ordre dans la maison du Gouvernement Philippe I. S'il comprend l'incommensurable désir exprimé par les Français de lui donner les pouvoirs nécessaires à l'application de réformes rapides, il perçoit aussi les exigences de nos concitoyens ; qu'elles s'exprimeront promptement parmi les opinions publiques. Aussi, l'accumulation de soupçons autour de M. Ferrand, de Mme de Sarnez et de M. Bayrou provoque de multiples étincelles. De celles-ci se dégage une petite fumée qui pourrait laisser penser à la France qu'un feu brûle quelque part. Ce feu de la vieille politique dont M. Macron a juré qu'elle serait exterminée sans pitié une fois son pouvoir Jupitérien installé. Dont acte!

    Le Figaro - Jacky Isabello -

    Jacky Isabello est cofondateur de l'agence Coriolink.


  • Commentaires

    1
    Mercredi 14 Juin 2017 à 17:46

    et oui, à peine élu les affaires sortent !

     C' est peut être parce que  le nouveau président se permet de faire une sélection parmi les merdias

    et  on peut deviner la suite avec l' attitude de Bayrou

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    2
    françoise
    Mercredi 14 Juin 2017 à 20:52

    Je ne sais si mon com est parti comme publié alors je recommence !  Leur "liaison" risque si toute fois Macron ne le vire pas,de  ne  pas être un long fleuve tranquille ,Bayrou ne se sent plus pisser il comporte comme si c'était lui le roi! Qu'il reste à sa place où retourne dans son Béarn avec ses chevaux d’où il n'aurait jamais dû sortir!

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