• Lutte contre la fraude: des hauts fonctionnaires pointent une situation catastrophique

    Lutte contre la fraude: des hauts fonctionnaires pointent une situation catastrophique

    Une indolence coupable. C'est en substance le verdict du débat, organisé ce lundi matin au sénat par Nathalie Goulet, sénateur de l'Orne, sur le thème de la fraude à l'argent public, et des moyens que l'État met en œuvre pour la combattre. Les invités, policiers, magistrats, responsables de services administratifs ou experts de la fraude, ont en effet dressé un panorama inquiétant de nos services administratifs, et de la sécurité du système social français. Principaux sujets d'inquiétude: la fraude sociale et la fraude à la TVA, deux types d'abus moins médiatiques que la fraude fiscale classique, où la France se situe au contraire parmi les pays efficaces.

     

    La fraude sociale, un «déni d'État»?

    Parmi les sujets les plus brûlants, dans le contexte politique actuel: la fraude sociale, c'est-à-dire la recherche de versements de prestations sociales indues. Le magistrat Charles Prats revient sur l'affaire des faux numéros de compte de sécurité sociale, qui avait fait réagir le gouvernement en décembre dernier. L'ancien responsable à la délégation de lutte contre la fraude avait alors fait état d'un stock de plus d'1,8 million de comptes de sécurité sociale «frauduleux», avec à la clé, une fraude annuelle de 14 milliards d'euros. En réponse à une question de Nathalie Goulet sur le sujet, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait dénoncé des «chiffres totalement erronés», évoquant un «système de contrôle de gestion des risques», plutôt que des comptes frauduleux. Pour le gouvernement, ces comptes, basés sur des papiers d'identité imparfaits, n'impliquent pas forcément de fraude aux prestations sociales.

    Une réponse qui n'a visiblement pas satisfait l'intéressé. Pour Charles Prats, qui réemployait ce lundi matin le terme de «frauduleux», toujours rien n'a été entrepris pour régler le problème. Il pointe en outre un manque d'efforts de la Cour des comptes sur le sujet. La tâche est immense: pour éliminer les dossiers d'escroquerie, il faudrait vérifier l'ensemble des comptes, une procédure qui pourrait prendre «5 à 6 ans». Charles Prats se dit partisan d'une remise à plat du système d'identité: «des données biométriques permettraient de réenrôler tous les citoyens français sur une base beaucoup plus sûre. On abandonnerait l'ancien système et avec lui, la fraude sociale».

    Aucune prise de conscience à l'horizon? Pour Nathalie Goulet, de façon surprenante, c'est la lutte contre le terrorisme qui a permis quelques avancées en matière de lutte contre la fraude sociale. Les réseaux djihadistes français ayant constitué une priorité, certaines règles ont été revues pour permettre des actions sur les aspects financiers. Une évolution qui a profité au reste de la lutte anti-fraude. Toutefois, les choses ont mis du temps à changer. Pour Luc Retail, commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale, «de nombreux djihadistes français ont continué à toucher des allocations alors qu'ils étaient partis combattre»...

    Pour le spécialiste, qui fut aussi directeur de la sécurité des opérations à la Banque postale, c'est tout le système documentaire français qui pêche depuis de nombreuses années: «6,5% des pièces d'identité en circulation en France sont fausses»! La réglementation, qui impose à la Banque postale d'ouvrir des comptes à tous ceux qui le demandent, facilite la vie des fraudeurs. Si les mouvements d'argent sont très précisément contrôlés (tous les transferts de plus de 10.000 euros d'espèces mensuels sur un compte bancaire font l'objet d'une «communication financière systématique»), les services administratifs n'ont pas les moyens d'intervention nécessaires, de même que la justice.

    Un sous-dimensionnement qui ne permet pas de comprendre précisément l'ampleur des phénomènes de fraude. Nathalie Goulet souligne d'ailleurs que les services administratifs, outre une capacité d'action, ont besoin d'outils de mesure plus modernes et perfectionnés. L'élue pointe un autre problème: l'absence de volonté politique. Sur le terrain, bien sûr, mais aussi au niveau diplomatique. Car si la fraude documentaire prospère, c'est grâce aux manquements d'autres pays, dans lesquels les pièces d'identité sont difficilement authentifiables: «remettre en cause la sécurité de l'information dans d'autres pays, par exemple en Afrique, cela nécessite une vraie volonté de porter le problème sur la scène internationale».

    Fraude à la TVA: Bercy paralysé?

    Autre sujet d'ampleur, les escroqueries à la TVA, et les réseaux criminels qui y sont associés. Jean-Marie Favre, officier de douane judiciaire et secrétaire général adjoint de l'UNSA Douane, reste prudent sur la part d'escroquerie dans l'écart annuel de 20 milliards d'euros entre TVA due et TVA distribuée. Pour le spécialiste, l'État laisse néanmoins filer 10 à 15% sur ce qui constitue sa première recette fiscale (145 milliards en 2016). Si l'Union Européenne envoie des signaux à la France pour sécuriser ses flux, rien n'est pour l'instant fait pour moderniser la lutte dans ce domaine, à l'heure où de nombreux pays ont réussi à quasiment éradiquer le phénomène. Parmi ceux-ci, la Belgique. Yannick Hulot, conseiller général à l'inspection spéciale des impôts du royaume, témoigne: «le pays, qui était devenu la plaque tournante des arnaques intracommunautaires à la TVA, a mis en place une douzaine de recettes et a immédiatement obtenu des résultats». Le pays a notamment mis en place un logiciel édité par une entreprise privée qui détecte rapidement les fraudes.

    De l'aveu des participants, un tel système pourrait rapidement être mis en place en France, les organisations fiscale et juridique des deux pays étant relativement proches. Pourtant, la direction générale des Finances publiques (DGFiP) a refusé le système en 2011. Laurent Daculsi, spécialiste informatique et éditeur du logiciel, détaille d'autres «réticences» de l'administration: «récemment, nous avons présenté le logiciel au ministre concerné [Gérald Darmanin, ndlr], et conclu l'ouverture d'une expérimentation de deux mois. Mais l'administration fiscale ne s'est pas montrée convaincue, et le projet n'a pas abouti».

    Charles Prats, par ailleurs ancien secrétaire général d'une fédération syndicale à Bercy, hausse la voix et livre son analyse: «c'est un tout, et plusieurs raisons expliquent notre inaction. Mais si le logiciel était mis en place, en appliquant les règles juridiques, les services des douanes pourraient d'un coup détecter environ 8 milliards de fraude, soit deux fois plus que l'ensemble de la fraude fiscale détectée par la DGFIP, qui compte pourtant sept fois plus de fonctionnaires»... Un déséquilibre qui entraînerait des redéploiements d'effectifs et de moyens au profit de la douane. Inacceptable pour la DGFIP, ayant entamé «un véritable processus d'hégémonie sur Bercy», selon Charles Prats. Si l'on en croit les participants, et en attendant les éventuelles réponses des administrations concernées, l'argent public semble continuer de filer dans les mauvaises mains.

    Le Figaro.fr


  • Commentaires

    1
    Rakia
    Mardi 19 Février 2019 à 14:31

    Coucou chantou ! 

    Certains voleurs sont plus futés que d’autres,des voleurs qui volent des voleurs 

    est une pratique continue de tous ...! Ils ont employé tous les moyens pour stopper 

    cette hémorragie et le sang coule quand même ,à un certains moment,il faut se poser 

    des questions ...!

    2
    fripouille
    Mardi 19 Février 2019 à 16:47

    Nous sommes plus bêtes que les Belges qui savent bien se servir de la machine anti-fraudes...Ou alors il y a de la mauvaise volonté dans l'air ! Enfin, nous qui payons nos impôts au centime près serons toujours déconsidérés.

    3
    Mardi 19 Février 2019 à 17:13

    C' est tellement  plus facile d' inventer de nouvelles taxes  et  impôts !

     J' ai   entendu  ce  Prats, qui dénonce depuis  longtemps ces   fraudes !

    il a raison,  avec  les possibilités  actuelles , et  en changeant la carte  vitale , on débusquerait  les fraudeurs,  même ceux   vivant   en Afrique  du Nord

    4
    françoise
    Mardi 19 Février 2019 à 17:55

    Les premiers Fraudeurs  , voleurs , escrocs etc..sont les Politiques ,mais il est vrai que à côté il y aurait du travail à faire surtout avec une partie  des étrangers vivants en France ,et oui surtout les Noirs et les Musulmans !

    5
    Mercredi 20 Février 2019 à 06:35

    Hier j'ai vu pour les anciens présidents leur bonne retraite a vie c'est honteux quand je vois que l'on dit de se serrer la ceinture mais nous ne pouvons plus car elle est au maximum!<nath>

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