• En France, un ambassadeur chinois peu diplomate

    En France, un ambassadeur chinois peu diplomate

    Lu Shaye, le représentant de la Chine en France, fait partie de l'avant-garde de la riposte chinoise dans son bras de fer avec l'Occident.

    Fini la discrétion. En quelques mois, l'ambassade de Chine en France s'est imposée comme la spécialiste des tempêtes sur les ­réseaux sociaux. La plus récente remonte au week-end dernier. En cause, un retweet d'une caricature où la mort déguisée en faucheuse, cherchant sa prochaine cible, apparaît drapée de la bannière étoilée américaine, tenant une faucille frappée de l'étoile de David israélienne, accusant ainsi l'Amérique et Israël d'une épidémie de guerres. Devant l'indignation générale, la représentation chinoise a plaidé le piratage de son compte. "Défense peu crédible", juge ­Antoine ­Bondaz, spécialiste de l'Asie à la Fondation pour la recherche stratégique.

    Une gaffe, donc? Peut-être. Mais elle résume la stratégie de communication actuelle de la Chine, offensive jusqu'à être offensante.

    A Paris, un homme s'est fait le zélote de cette nouvelle ligne nationaliste : l'ambassadeur lui-même, Lu Shaye. Depuis son arrivée en France en septembre, ce natif du Hangzhou de 55 ans multiplie les sorties médiatiques cinglantes, se fend régulièrement de billets d'analyse inspirés directement de la ligne du Parti à Pékin. Il est aussi capable de répondre du tac au tac aux accusations contre son pays. Mais, sollicité par nos soins pour un entretien, il n'a pas donné suite.*

    Une réputation de pyromane

    Le style de cette propagande 2.0 est souvent direct, le contenu parfois grossier voire mensonger. "L'essentiel est d'imposer des éléments de langage dans le débat public, note Antoine Bondaz. Au risque de commettre des erreurs." Et même de gros dérapages. Comme en avril, lorsque l'ambassade publie un texte accusant le personnel soignant des Ehpad d'abandon de poste. Ce qui a valu à Lu Shaye une convocation par le Quai d'Orsay, une première dans la relation bilatérale depuis le massacre de la place ­Tian'anmen. Le JDD a appris depuis que le secrétaire général du ministère avait déjà sermonné le Chinois quelques jours plus tôt et une nouvelle fois cette semaine après l'épisode du tweet caricatural sur l'Amérique et Israël. Apparemment, s'être fait passer un savon par le ministre en personne et le numéro deux du Quai ne l'a pas traumatisé.

    Ainsi parle Lu Shaye. "Il ­dépote", résume ­Harold ­Parisot, président du Chinese Business Club, qui se réjouit de ce côté "cash". "Au moins, il va droit au but, poursuit l'entrepreneur et lobbyiste français. Et puis, il est ultrabrillant, parfait francophone." ­Antoine ­Bondaz lui reconnaît aussi des qualités : "Il est plutôt raffiné et c'est un vrai pro."

    Un type qui réagit à la manière des diplomates soviétiques des années 1970

    Il peut aussi inspirer la crainte. Certains de ceux que nous avons interrogés ont ainsi tenu à rester anonymes. Comme cet observateur de la vie politique chinoise qui fustige son "agressivité". Un autre qui a fait sa connaissance à Paris il y a plusieurs mois en perd un peu son mandarin. "C'est un peu Dr Jekyll et M. Hyde, explique-t-il. J'avais rencontré un homme structuré intellectuellement, ouvert. Je découvre aujourd'hui un type qui réagit à la manière des diplomates soviétiques des années 1970."

    A dire vrai, ces saillies ne font que confirmer la réputation de pyromane qu'il s'était taillée au Canada, lieu de sa précédente affectation en tant qu'ambassadeur. Alors qu'il plaidait en faveur de la directrice financière de Huawei, arrêtée à la demande des Etats-Unis pour fraude bancaire, il condamnait en même temps l'"égoïsme occidental" et le "suprémacisme blanc" du Canada et de ses alliés. "Beaucoup de sinologues estimaient alors qu'il n'était pas à la hauteur", se souvient ­Antoine ­Bondaz. Manifestement, Pékin ne fut pas du même avis et lui offrit Paris, poste prestigieux. "Avant qu'il n'arrive en France, nous avons alerté les médias sur son style très décomplexé", explique ­Cédric ­Alviani, responsable Asie de l'Est à Reporters sans frontières.

    Tout sauf de l'improvisation

    Lu Shaye n'a pas toujours été ainsi. Spécialiste de l'Afrique, il passe discrètement par Paris entre 2001 et 2003 puis devient ambassadeur au Sénégal. "C'est quand Xi ­Jinping ­arrive au pouvoir en 2013 que les choses décollent pour lui, explique un expert qui a suivi son parcours. Il fait partie de ceux choisis pour défendre avec véhémence la nouvelle politique du régime." Après un passage à Wuhan, la ville berceau du coronavirus, comme vice-maire en 2014-2015, il est nommé directeur général des études politiques du Bureau du groupe dirigeant du Comité central du Parti communiste chinois chargé de l'international. "Un poste stratégique où s'élabore la politique étrangère chinoise, explique l'observateur. A ce moment-là, il entre au cœur du système." "Pendant deux ans, il a pris le temps de réfléchir au devenir de la diplomatie de son pays", signale ­Antoine ­Bondaz.

    Toutes ses interventions sont validées par Pékin

    Ses emportements seraient donc tout sauf improvisés. "Et même s'il joue sa carte personnelle, toutes ses interventions sont validées par Pékin", assure le chercheur de la FRS. Et de s'indigner du peu de réactivité des responsables français aux coups de boutoirs du diplomate. "Pourtant, s'y opposer, ce serait gagner le respect du régime chinois, qui ne comprend que le rapport de force." ­Cédric ­Alviani confirme : "La Chine n'est pas un gros bébé qu'il faudrait ménager. Les autorités sont au contraire très calculatrices. Si on les laisse s'emparer de l'espace médiatique, alors nous sommes perdus."

    Le JDD.fr


  • Commentaires

    1
    Françoise
    Jeudi 4 Juin 2020 à 15:45

    La France aime sa merde !

    2
    Jeudi 4 Juin 2020 à 18:02

    et  bien,   qu'on  le  renvoie,   ce  serait   le  genre  de message   que  la Chine  comprendrait

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